Lieux

Cet Instant là, avec John Ginon du Black Forest Society

par Jean-Damien Dumas le 11 Octobre 2016

Dans « Cet Instant là », je pars à la rencontre des hommes et femmes derrière les bars qui vous font passer vos meilleures soirées et vous font voyager dans leurs univers. Aujourd’hui pour la première, je vous emmène en ballade dans le petit bout de Berlin situé en plein cœur de Lyon.

C’est en tant que gérant souriant et détendu de 25 ans, que John débarque du bout de la rue de l’Arbre Sec pour venir à ma rencontre. On s’était donné rendez-vous à son bar atypique, le Black Forest Society. Pourquoi atypique ? Parce que comme en témoigne le sticker « La puissance du port d’Hambourg » sur la devanture, on ne rentre pas dans un bar classique !
Levé vers 10 heures le matin (hé oui le bar ferme à 3h !) mon invité du jour m’explique : « J’essaie de ne pas me lever trop tard, pour avoir une vie avant d’aller au travail quand-même ! ». En revanche, c’est aussi pour s’occuper de toute la paperasse administrative, obligatoire dans tout business. 
C’est donc vers 16h qu’il bouge de son quartier de la Martinière dans le 1er non loin de là, pour se rendre au boulot : « C’est hyper central, ultra vivant, et ça reste un petit village… Tout le monde se connaît ! Pour venir j’ai mis 20 minutes alors que c’est à 5 minutes normalement ! ». Une fois les « bonjour » distribués, il est temps de rentrer dans son bar et le vif du sujet, les manches de sa chemise bleue à carreaux retroussées, afin de préparer la soirée qui s’annonce.

 

Ich bin ein Berliner !

Les allemands vivent dehors, les uns avec les autres dans une belle harmonie. Et tu le ressens partout, dans les magasins, dans les bars, c’est vraiment agréable.

Pur produit de Lyon, John a découvert le milieu de la restauration lors de petits jobs d’été. Après avoir tenté le concours de pilote de chasse dans l’armée, il décide finalement de se lancer dans les métiers de bouche et atterrit au Kaffee Berlin, 4 mois après son ouverture. Et c’est là où il va faire connaissance avec la culture allemande et son futur associé, Thomas Dufour, à l’époque fondateur et patron du Kaffee Berlin. C’est lui d’ailleurs qui le pousse à s’intéresser à l’Allemagne. Profitant d’une semaine de vacances, John décide de prendre son sac à dos et de partir à la découverte de Berlin. Je lui demande donc tout naturellement ce qu’il en a pensé. Et il me répond enjoué :

«Les villes allemandes sont très différentes les unes des autres, un peu comme en France, chacune avec son propre terroir, ses propres traditions. Berlin a ce côté underground, un peu avant-gardiste sur certaines choses, et j’aime bien ce vieux climat soviétique qui règne encore sur Berlin-Est, alors que dans le même temps c’est une ville très arty ! Mais y’a un aspect où les villes allemandes se rejoignent toutes c’est sur l’altruisme et le partage. Les allemands vivent dehors, les uns avec les autres dans une belle harmonie. Et tu le ressens partout, dans les magasins, dans les bars, c’est vraiment agréable. »

Il est donc retourné plusieurs fois de l’autre côté du Rhin, pour visiter plusieurs villes allemandes, mais c’est Berlin qui est entrée dans son cœur pour de bon. Quelques mois plus tard, le projet Black Forest Society voit le jour à la croisée de la création d’un univers unique en son genre en Europe et d’une forte envie de développement personnel. John m’explique que pour lui c’était le moment parfait pour se lancer : « Je dis jamais le mot sacrifice, ni concession. Pour moi je capitalise sur l’avenir, je tente des choses, je me reposerai plus tard. ». Le ton est donné.

Der Schwarzwald Spirituosen Salon

Il y a une approche très culinaire, très pâtissière dans le cocktail. L’association des saveurs et la balance des goûts sont similaires.

« Quand j’ai démarré ce métier au Kaffee Berlin, je sortais de l’adolescence limite, c’était l’époque où je sortais tout le temps avec mes potes, et j’avais l’impression que j’allais les perdre en me lançant ». Au final la transition s’est bien mieux passée que prévue, vu qu’il est tombé amoureux de cet « univers très abouti » qu’incarne l’établissement du Cours Albert Thomas. Si bien que quand Thomas lui propose de monter un concept à forte valeur teutonne ajoutée, il répond oui sans hésiter. « On a trouvé super intéressant de créer un univers qui nous colle à la peau : ce côté germanique, ambiance détendue, un peu stricte, typique de l’Allemagne, et toujours avec un service de qualité. ».

Déjà passionné par le domaine du cocktail-bar, c’est pendant l’été 2014 que John commence à s’intéresser sérieusement à cet univers : « J’ai acheté beaucoup de bouquins sur les méthodes de travail et je suis sorti dans pas mal de bars à cocktails en France ou l’étranger pour voir leur façon d’organiser leurs bars, de les dynamiser. ». Ensemble, ils sortent la première carte du Black Forest Society, qui a tout de suite récolté l’adhérence des premiers clients et qu’ils font évoluer tous les 4 mois pour s’adapter aux saisons. « Par exemple la carte d’hiver, on va jouer sur des saveurs plus rondes, plus typées allemandes hivernales, mais on va aussi varier les techniques pour en utiliser des nouvelles comme l’infusion ou carrément aller chercher dans les méthodes ancestrales comme le schrub. ».

Pour avoir la balance des saveurs recherchées, l’équipe du Black Forest Society va même jusqu’à faire elle-même ses propres sirops (sirop de banane, de pop-corn, etc…) afin de pouvoir doser le sucre parfaitement. « Il y a plusieurs façons de créer un cocktail, mais globalement comme en cuisine t’as toujours une ossature. T’as des classiques et tu les revisites en changeant des produits, mais y’a d’autres fois où on est dans le ressenti et on sort des créations totales ». Sûrement un reste de la licence de physique chimie de John !

Il m’explique qu’il aime bien jouer aussi avec les textures et la différence de températures. Le « croquang », le « gourmang » (Cyril Lignac si tu nous regardes !), ça le branche et c’est cet aspect qu’il aime faire ressortir dans ses cocktails qu’il crée. « Il y a une approche très culinaire, très pâtissière dans le cocktail. L’association des saveurs et la balance des goûts sont similaires. Ce qui m’a aidé dans l’univers du cocktail, c’est que j’adore cuisiner. Pour le coup, quand t’es intéressé par la food, ça vient assez facilement ».

Septembre 2014, John et Thomas lancent officiellement le Black Forest Society, et clairement Lyon était demandeur car le nouvel établissement aux accents du Rhin est rapidement plébiscité et affiche complet régulièrement. Son emplacement joue aussi son rôle. Moi-même, je suis déjà passé devant plusieurs fois sans faire attention qu’il y avait un bar de caractère encastré dans cette ruelle. « J’aime bien dire que c’est un bar pour érudit, pour les gens qui s’intéressent à une culture, qui veulent découvrir un univers. ».

 

Le renouveau de la nuit à Lyon ?

Quand tu pars d’un endroit dans lequel t’as laissé 2 ans de ta vie, tu te dis, ça fait chier quand même !

John me confie qu’il n’est pas du genre à se prendre la tête pour sortir à Lyon. Il apprécie notamment la Maison Mère ou le Livestation DIY pour son côté cool justement : « Y’a du bon son, tu peux manger un bout sur le comptoir, boire un verre, passer un bon moment quoi ! ». Pour lui, depuis un moment maintenant le Lyon de nuit a repris du poil de la bête. Il y a des quartiers qui se redynamisent, comme le 7ème, et qui voient s’ouvrir des petits restaurants, des bars à concepts. John pointe du doigt les fermetures tardives qui avaient été supprimées il y a quelques années, et qui avaient donné un coup de mou à la vie nocturne : « Si il y a des règles qui ont été fixées, c’est qu’il y a eu des abus à un moment donné, donc c’est normal. Mais la ville refait confiance maintenant et ça c’est cool ! ».

Aujourd’hui le Black Forest Society a soufflé ses deux bougies, et ses deux papas à nuques longues s’en vont déjà en quête de nouvelles aventures ! Cette fois, ils ont en tête de recréer l’ambiance si particulière des bars de Berlin-Est« Quand tu pars d’un endroit dans lequel t’as laissé 2 ans de ta vie, tu te dis, ça fait chier quand même ! » s’exclame John.  L’objectif du nouvel établissement des 2 associés justement nommé Berlin 1989 est justement damener un petit bout de Berlin-Est. L’endroit sera un grand espace qui proposera une carte plus axée sur la nourriture spécialisée, comme les currywursts ou les spätzles, que sur les cocktails. On imagine déjà le lieu à la décoration et atmosphère très marquée germanique. « On veut recréer l’ambiance Berlin, où tu peux autant manger un bout sur le bar que te poser sur un canap’ avec tes potes et une bonne bière ». Malheureusement pour nous, ce n’est pas à Lyon mais à Nantes que s’installe cette extension de la capitale allemande.

Mais que va devenir le Black Forest Society si jamais les 2 fondateurs l’abandonnent, je demande. « Le Black Fo’ je le laisse entre de bonnes mains. Je pourrais y revenir, apprécier l’endroit, me poser, et me dire ça marche comme je voudrais que ça marche. Je pourrais être client de mon propre bar, je trouve ça trop bien ». Et John s’esclaffa dans un grand rire.

 

Black Forest Society
Lyon 1Bar à cocktail